Affiliée chercheuse
L’histoire de vie de Chiara
Chiara Vigliano nait à Turin, ville italienne du nord-ouest de la péninsule. Elle fréquente le lycée classique et participe au mouvement estudiantin de ’68. Après avoir obtenu le diplôme de maturità, s’inscrit à la Faculté de Philosophie de l’Université des Études de Turin. Son mémoire de maitrise portant sur la pauvreté et les institutions d’internement (et d’exclusion) à Turin entre les siècles XVIe et XVIIe siècles se situe dans le sillon des études foucaldiennes et, après avoir reçu un prix d’excellence, est publiée dans une revue d’histoire italienne[1]. Durant les études, elle s’engage dans les luttes gauchistes et féministes des années 1970 et travaille dans un bureau urbanistique, puis comme comédienne et photographe dans une coopérative théâtrale. Ensuite, elle devient professeure d’histoire et de littérature italienne dans un lycée de Turin. Entre-temps, elle se spécialise en Enseignement de la langue italienne L2 et du langage cinématographique appliqué à l’histoire. En tant que responsable du projet interculturel de son école, Chiara se rapproche de la question migratoire. En fait, ce phénomène était en train de s’épanouir dans toute la péninsule et à Turin dans le quartier où elle demeurait et enseignait.
Suite à la réussite d’un concours près du Ministère italien des Affaires étrangères, elle enseigne comme lectrice au Département de Littératures et de Langues modernes de l’Université de Montréal de 2005 à 2007 et, de 2007 à 2009, aux Départements d’Italianistica et de Traduction de l’Université de Ljubljana (Slovénie). Durant son contrat à l’Université de Montréal, Chiara crée et coordonne le cours : « Italie-Québec : parcours interculturels » avec le soutien du prof. Bruno Ramirez. Le cours explorait de façon interdisciplinaire l’histoire de l’immigration des Italiens au Québec.
À partir de 2012, elle est doctorante au Département d’Histoire de l’Université de Montréal, sous la direction de Mme Denyse Baillargeon. Sa recherche de doctorat “Una gatta da pelare.Vies publiques et vies privées des Italiennes récemment arrivées à Montréal” porte sur l’histoire orale, l’histoire des femmes et l’histoire de la migration italienne. De 2015 à 2017, Chiara réalise les 33 entrevues sur lesquelles se base son projet. La collaboration avec le Centre d’histoire orale et des récits numériques de l’Université de Concordia se révèle incontournable. Au Centre, Chiara a donné les 33 transcriptions de ses entrevues enrichies par 23 enregistrements et sa thèse au complet.
En 2018, Mme Denyse Baillargeon prend sa retraite et, après un an, Chiara peut revenir sur son projet grâce à M. Gilles Dupuis, professeur de Littérature française à l’Université de Montréal, et à Mme Sylvie Taschereau, professeure d’histoire à l’Université de Trois-Rivières, qui acceptent de la diriger. Au mois de décembre 2021, Chiara termine la rédaction de sa thèse et au mois de juin 2022 la discute par zoom, vu qu’elle et son mari sont entre-temps retournés en Italie.
Una gatta da pelare. Vies publiques et vies privées des Italiennes récemment arrivées à Montréal
La migration et les politiques institutionnelles, la condition des femmes et les réformes qui la concernent, le chômage et les opportunités d’emploi, l’accessibilité aux études et à la carrière universitaire dans les deux pays : tels sont les thèmes principaux de cette étude. L’examen des entretiens permet de vérifier dans quelle mesure et de quelles façons ces trente-deux histoires publiques et privées reflètent les mouvements migratoires de notre époque. Il permet aussi de mettre en parallèle, et souvent en contraste, la mobilité de ces migrantes et celle des Italiennes qui les ont précédées au Canada et au Québec, dans des contextes socio-économiques très différents de ceux qui marquent la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle. Ainsi, la mondialisation de l’économie et l’avènement des médias numériques, pour ne mentionner que ces exemples, ont engendré de nouvelles formes d’identité —métissées, fluides, fragmentées— mettant en communication directe ces deux mondes, celui du départ et celui de l’arrivée, autrefois beaucoup plus distants.
Au-delà de la diversité de leurs parcours et de leurs expériences, l’étude de ces entrevues fait apparaître des dénominateurs communs à tous les âges et toutes les histoires des Italiennes qui sont au cœur de ce travail. De plus, en dépit des contrastes qu’ils présentent, comparer cette migration privilégiée et les exodes massifs des XIXe et XXe siècles fait aussi apparaître une part d’expérience commune, voire universelle, en particulier le sentiment de dépaysement et de solitude qui, par moments, affecte mêmes ces femmes modernes, émancipées et cultivées.
[1] Chiara Vigliano « Miseria e carità a Torino tra XVI e XVII secolo » dans Studi Piemontesi, XI 1983, voI. XII.
[2] Il faut préciser que les entrevues réalisées sont 33, mais seules trente-deux des interviewées demeuraient à Montréal. La trente-troisième femme a été interviewée en raison de son expertise en matière de migration féminine.