ÉTHIQUE DE LA RECHERCHE 

Par Steven High 

Le partenariat de recherche communauté-université fonctionne en accord avec les principes définis par les comités d’éthique des universités canadiennes, que l’on retrouve dans « Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains ». Avant toute entrevue, la faculté et les étudiant·e·s doivent obtenir l’approbation du comité d’éthique de leur établissement. Les chercheur·euse·s qui souhaitent mener des entrevues au sein de communautés autochtones doivent de plus se soumettre aux comités d’éthique de ces communautés hôtes. L’éthique est au cœur de la théorie et de la pratique de l’histoire orale. Cette discipline nous invite à repenser les pratiques académiques dominantes et à favoriser une approche qui vise à apprendre avec au lieu d’apprendre sur. Ce type de collaboration implique un processus de dialogue et de partage constant. Il repose sur le développement de relations de confiance et une prise de décision partagée. « L’engagement à partager l’autorité est un début, pas une destination » observe Michael Frisch, et « le début d’un processus de découverte sociale et personnelle nécessairement complexe. Il n’y pas de réponse toute faite ni de leçon facile à tirer. » Faire de l’histoire orale est un travail de longue haleine.

Trois principes sont au cœur de cette réflexion sur l’éthique en histoire orale : le consentement éclairé, l’atténuation du préjudice et le droit de rétractation.

Le consentement éclairé 

Il est primordial que les interviewés comprennent le projet de recherche et qu’ils soient informés du devenir des enregistrements et de leurs témoignages. Ils pourront ainsi formuler un choix éclairé quant aux termes de leur participation. La question de la diffusion est au cœur de l’éthique, notamment l’accès des témoignages à d’autres chercheur·euse·s. En général, un formulaire de consentement écrit (voir l’exemple ci-dessous) atteste que le choix du ou de la participant·e sera respecté. Au CHORN, nos formulaires de consentement concernent plutôt les droits d’utilisation que les droits d’auteur·e. C’est une distinction importante qui doit être prise en compte par les deux parties, interviewé et chercheur, lorsqu’ils signent l’accord. Deux copies doivent être signées afin d’en laisser une avec l’interviewé. La signature du formulaire a lieu au début de l’entrevue, avant tout enregistrement. Toutefois il est utile d’y revenir à la fin pour s’assurer que l’interviewé est toujours à l’aise avec son choix. De plus en plus fréquemment, les chercheur·euse·s en histoire orale explorent également de nouvelles manières de négocier en continu le consentement des interviewé·e·s, au-delà du formulaire écrit.

L’atténuation du préjudice 

L’évocation du passé s’avère parfois douloureuse et perturbante pour les participant·e·s. Les chercheur·euse·s peuvent également être affectés par l’écoute des témoignages. La publication, la réinterprétation et la diffusion de sa propre histoire peut être une expérience bouleversante pour les personnes qui témoignent.

Pour répondre à ces difficultés éventuelles, les chercheur·euse·s sont invité·e·s à mettre à disposition une liste des aides disponibles : travailleur·euse·s sociaux·ales, conseiller·ère·s, psychologues (pour une assistance téléphonique, du soutien communautaire ou une aide de l’université). Ces contacts peuvent être automatiquement joints au formulaire de consentement qui sera remis à l’interviewé·e afin de normaliser cette pratique à ses yeux.

Par ailleurs, les choix méthodologiques doivent être pensés dans la perspective d’apporter un soutien supplémentaire à l’interviewé·e. Par exemple, le fait de prévoir plusieurs entrevues avec la même personne, et donc de garantir une visite prochaine, est généralement rassurant pour l’interviewé·e. Il est crucial de lui faire sentir que n’êtes pas juste venu chercher des informations utiles pour votre recherche. Au CHORN, un mot de remerciement et une copie de l’enregistrement sont remis à chaque personne interviewée. Si les interviewé·e·s ont fait le choix de rester anonymes, cela doit absolument être respecté. Des cas de procédures juridiques dans lesquelles la police ou les tribunaux ont cherché à accéder à des témoignages « clos » ou anonymes ont été observés aux États-Unis et au Canada ces dernières années. Le CHORN suggère donc aux chercheur·euse·s de transcrire les entrevues anonymes et d’envoyer les transcriptions éditées aux interviewé·e·s afin qu’elles·ils puissent éventuellement supprimer des passages qui leur portent préjudice, avant que ceux-ci ne tombent dans le domaine public. Les entrevue originales doivent ensuite être détruites.

Droit de rétractation 

La·le participant·e a le droit de mettre fin à l’entrevue à tout moment et peut demander à ce que l’enregistrement de son témoignage soit détruit. Ce droit doit être évoqué avec les interviewé·e·s avant l’entrevue et doit être mentionné dans le formulaire de consentement. Les interviewé·e·s ont également le droit de demander à modifier leur témoignage ou les termes de sa diffusion. Toutefois, en pratique, cela ne s’applique pas rétroactivement mais concerne un usage ultérieur.

En plus des comités d’éthique de l’université, le Département d’Histoire a adopté son propre code déontologique. Vous pouvez le consulter sur le site du Département d’Histoire. Si vous êtes étudiant·e en histoire à l’Université de Concordia ou si vous contribuez à un cours du département, vous pouvez également étudier le Protocole d’Éthique du Département d’Histoire.

Comme c’est également le cas ailleurs dans le monde, l’éthique en recherche universitaire part du principe que les chercheur·euse·s et les sujets humains appartiennent à deux groupes de personnes distincts qui occupent des espaces différents. Les interactions entre ces deux groupes peuvent donc être anticipées et régulées en conséquence. L’éthique universitaire suppose également que la·le professeur·e a le contrôle, qu’elle·il « possède » le processus de recherche et les produits de ce processus. Toutefois, une véritable collaboration entre communauté et université remet en cause ces hypothèses. De plus en plus, l’entrevue s’insère dans un continuum plus vaste entre recherche et recherche-création.

Ce texte se concentre sur l’entrevue, néanmoins les enjeux évoqués s’appliquent également à d’autres méthodologies, pratiques artistiques et espaces de narration. Une réflexion sur la réalisation, dans ces espaces, du consentement éclairé, de l’atténuation des préjudices, du partage de l’autorité, de la confidentialité, des droits d’auteur·e et du droit de rétractation, devrait donc être menée au préalable.